Le perdre
c'était pas le plus dur. Et même, ça s'est passé en quelques minutes, un mot de travers, un regard un peu haut, un sourire un peu torve. Un problème banal de communication, j'ai donné le pire de moi, comme se vautrer dans l'échec est toujours plus confortable que de jouer vraiment. Mais je m'en fous. Je m'en fous de l'avoir perdu corps et bien, d'avoir éloigné nos corps jusqu'à ce que le néant même soit épais comme la muraille de Chine. Je m'en fous de ça, son esprit me manque. J'ai une soif terrible de son âme, de ses mots, de sa pensée...
Le perdre ça valait mieux, j'aurais fait n'importe quoi, jusqu'à cette hystérie qui me terrorise pourtant. Je lui aurais mangé dans la main et ma nuque si raide en aurait souffert la torture, c'est sûr.
Je n'existe plus dans ses calculs, je n'ai jamais existé dans son âme, dans sa pensée, et peu importe tant que sa pensée existe et que je peux m'y réchauffer. Je ne lui mangerai pas dans la main, et c'est tant mieux, mais ne pourrai plus boire à sa source, et ça m'est insupportable.